L'attractivité de l'entreprise
Le choix de nouvelles pratiques de management au sein des TPE/PME (extrait étude 1).
La France : 400.000 règles et une charge administrative de l’ordre de 70 milliards d’euros.

D’après le Global Competitiveness Report (2016-2017) du Forum économique mondial, la France se situerait au 115ème rang sur 140 des nations où l’organisation administrative est la plus pesante. Et, selon l’OCDE, les charges administratives représenteraient entre 3 et 4 % du PIB, soit entre 60 et 80 milliards d’euros[1].
De tels chiffres méritent d’être re-contextualisés, que ce soit au regard des efforts réalisés pour accroître la compétitivité de la France avec un budget consacré à la Recherche & Développement de seulement 2,25% du PIB. A titre de comparaison, les charges administratives totales représentent l’équivalent de la moitié du budget consacré à l’éducation (6,7% du PIB en France) et environ ⅓ du budget de la santé (11,7% du PIB). 3 à 4%, c’est encore le déficit, ou pour le moins l’objectif, de la France chaque année. Un dernier élément remarquable : le coût de la charge administrative est l’équivalent de 160 fois le budget annuel de l’Université de Bordeaux.
[1] https://www.entreprises.gouv.fr/politique-et-enjeux/simplifications-administratives.
Le système d’organisation administrative française “corsette” la France à plusieurs les niveaux. Le “virus mortel de la complexité française”, selon l’expression de Sophie De Menthon dans le journal Challenges du mois de janvier 2019, a pourtant fait l’objet de nombreux diagnostics et études à l’instar du rapport d’information sénatoriale du 20 février 2017. Ce document, riche de près de 200 pages, rend compte sans concession des limites des tentatives de simplifications entreprises jusque-là, en raison des résistances au changement notamment ou du manque d’agilité du “leviathan administratif” alors que dans le même temps, on assiste à une multiplication de nouvelles réglementations. Ces contraintes handicapent l’ensemble des activités des acteurs économiques et au premier titre, celles des entreprises.
Ainsi, la France compterait 400.000 normes et réglementations obligatoires. La longueur moyenne de chaque loi s’est accrue : « nos lois contiennent aujourd’hui 60 % de mots de plus que les lois adoptées avant 2000 ». En 2015, on dénombrait 360 impôts, taxes et cotisations en France, dont 192 rapportent moins de 150 millions d’euros de recettes. Selon la Cour des comptes, il y avait en France 457 niches fiscales en 2018 (soit l’équivalent de 4,4% du PIB) et leur suppression permettrait de simplifier les tranches d’imposition et d’abaisser les taux.
Au-delà de la quantité, se pose le problème de la superposition des règles, du rythme et de l’hyperactivité des législateurs qui ne prennent pas en compte la capacité d’intégration par le tissu économique et social.
Tout est fait comme si l’appareil réglementaire et administratif devait fonctionner indépendamment des administrés, qu’il s’agisse du rythme de production des réglementations en fonction de la capacité d’assimilation par les acteurs économiques, les appareils de l’Etat étant eux-mêmes bien souvent incapables de les mettre en œuvre dans les délais impartis, ou encore de prendre en compte aussi le coût de la mise en conformité pour les acteurs économiques. On a le plus souvent oublié que le législateur et l’administration ont pour mission de s’adapter de manière continue et en profondeur aux exigences de l’intérêt général. La solidité et le renforcement de la démocratie en dépendent.
On ne compte plus les exemples où des solutions complexes sont mobilisées là où des principes de bon sens auraient leur place tout cela entraînant un accroissement de la charge administrative supportée par l’économie. Ainsi, alors qu’il était très simple de décaler le paiement de la TVA pendant le confinement, les entreprises devaient payer la TVA et bénéficiaient en contrepartie d’une garantie sur leur financement, accélérant la chute des plus fragiles qui n’obtiennent pas de financement garanti, nécessitant des business plan, faisant supporter le risque à l’économie et ayant certainement des conséquences plus lourdes à moyen et long terme, sans compter un coût administratif énorme, tant pour les entreprises, les experts-comptables que les banquiers. De telles décisions sont éloignées de la définition même de service puisque c’est l’ensemble de la société qui se livre à un travail destructeur de valeur : une valeur intellectuelle pour un travail qui n’a pas de sens et qui ralentit considérablement l’économie, et une création de valeur économique ralentie voire non produite car énormément de temps de travail est passé par les experts-comptables, les fonctionnaires, banquiers et entrepreneurs pour remplir des documents complexes et pour beaucoup redondants.
On est bien loin de l’extinction d’une bureaucratie inutile au profit d’une post-bureaucratie annoncée pour ré-humaniser le lien entre l’administration et l’administré et proposer des formes de contrôle plus souples (Kanter, 1990 ; Savage, 1996). Si des initiatives sont évidemment lancées, comme évoqué dans le cadre du choc de simplification, ou encore la charte Marianne, les effets restent modérés car les actions ne remettent pas fondamentalement en question le modèle bureaucratique. Plus contemporain encore, le programme Action Publique 2022 et son comité AP22 missionné sur 21 politiques publiques, retient trois objectifs allant dans le bon sens : un meilleur service public rendu aux usagers, des conditions de travail optimisées pour les agents publics, le tout dans une trajectoire budgétaire maîtrisée de la dépense publique.
Il est grand temps de repenser le modèle d’administration pour replacer l’administré et les parties prenantes au cœur du débat. De ce point de vue, les plateformes de type citizen science devraient permettre de reconnecter les représentations mentales de l’administration avec celles des administrés. Les approches en terme d’amélioration continue constituent également un trait caractéristique de la post-bureaucratie, là où la bureaucratie travaille à l’enracinement des procédures. Sur ce point, il faudrait sans doute dans un premier temps envisager une rupture (dans le modèle d’administration, rupture qui suppose une responsabilisation de toutes les parties prenantes. Sur un plan organisationnel, il convient d’aplatir les structures décisionnelles, de travailler en réseau et d’explorer des solutions d’auto-organisation.
L’objectif est alors de repenser la notion de frontière organisationnelle, tant interne (les acteurs internes doivent travailler ensemble pour offrir un service public coordonné globalement) qu’externe (les frontières s’effacent pour favoriser les apprentissages et les échanges de valeurs avec le reste de la société). De ce point de vue, la digitalisation des organisations offre des possibilités énormes de refonte des modes d’organisation. Les efforts réalisés par le ministère du travail pour transcrire le code du travail dans un langage lisible pour tous vont dans ce sens[1].
Mais une telle transformation suppose aussi d’apprendre pour ne pas essayer de régler les problèmes avec les solutions qui « valaient » pour l’ancien système. Et de tels apprentissages, en double boucle, touchent aux fondements mêmes de la culture bureaucratique : la notion de temps de travail a-t-elle encore du sens ou doit-on rémunérer les gens sur des missions avec des objectifs de moyens ou de résultats ? La règle doit-elle être considérée comme la seule solution en cas de difficulté identifiée ? Dans cette même veine, on peut s’interroger sur la place laissée à la confiance assumée plutôt qu’une règle devant illusoirement prendre en compte tous les cas particuliers et finissant inéluctablement par échouer dans sa mission, appelant un nouveau renforcement de règle. Il serait sans doute pertinent d’introduire des contrôles accompagnant et pas uniquement sanctionnant pour aider les entreprises, dans une logique de service public, à apprendre de nouvelles pratiques. Des principes généraux forts seraient peut-être plus efficaces qu’une multitude des règles qui perdent le citoyen.
[1] www.lesechos.fr/economie-france/social/muriel-penicaud-lance-le-code-du-travail-numerique-pour-tous-1163812.
Repenser les liens entre l’administration et les administrés
Refondre le modèle d’organisation de l’administration
Penser à l’ergonomie du service public
Protéger les entreprises contre la charge administrative

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