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Le choix des filières économiques stratégiques françaises (extrait étude 1).

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Le choix des filières économiques stratégiques françaises (extrait étude 1).

La France est l’un des pays européens où l’activité industrielle est la plus faible. Le secteur industriel ne représente que 12% de son activité économique contre 25% en Allemagne par exemple. De manière plus précise, l’agriculture et les industries agro-alimentaires représentent 4% du PIB et les industries hors agro-alimentaires 12% du PIB. En 30 ans, l’industrie française a perdu plus de 2 millions d’emplois, ce qui la classe dans les derniers pays industriels européens juste devant des pays comme Chypre ou Malte.

1. La situation

L’exemple de la pénurie des masques illustre parfaitement la question des choix – ou plutôt des mauvais choix – en matière de filières stratégiques depuis quelques décennies. Les réponses fournies par l’État témoignent au mieux d’une adaptation au coup par coup, au pire d’une d’un temps de retard difficilement rattrapable. La situation a débouché sur des solutions dites de « débrouillardise »[1]. Des phénomènes d’innovation frugale tels que ceux observés dans le cas des masques, reposent sur de la « low tech » et sont généralement observables dans des pays en développement confrontés à des tensions importantes sur le niveau des ressources mobilisables.

Cet exemple parmi d’autres (pénurie dans la chaîne sanitaire et risques patents dans d’autres secteurs) peut trouver son origine dans ce que Guttentag et Herring (1986) ont appelé la myopie du désastre pour analyser les crises bancaires. Elle correspond à la tendance au fil du temps à sous-estimer les chocs. Celui que nous vivons actuellement avait une chance très minime d’arriver et sa structure causale était jusqu’alors parfaitement inconnue et ainsi en partie non probabilisable. On peut considérer que les décideurs publics ont sous-estimé la survenue d’une pandémie. On peut y ajouter que contrairement à d’autres continents (Asie, Afrique), la France ne dispose pas d’un effet-mémoire d’un tel épisode pandémique. Le seul que l’on pourrait retenir est celui de l’épidémie de grippe aviaire de 2006 avec un plan prévoyant notamment de pouvoir répondre au besoin de masques. Mais ce plan été progressivement démantelé, ce qui rappelle les choix douteux des gouvernements successifs[2].

Cette « affaire des masques » n’est que la partie visible de l’iceberg. Ainsi, selon un rapport du Sénat datant de 2018, à peine 22% des produits remboursés par l’assurance-maladie sont fabriqués en France. Le développement des génériques a également fait poindre l’adage : « plus un médicament est remboursé, moins il est produit en France ». De manière plus globale, selon Philippe Aghion, la France a décroché dans les industries de santé : « pendant longtemps au même niveau que l’Allemagne et désormais largement dépassée dans les produits et équipements de santé, après avoir délocalisé sa production ». En outre, si le secteur de la santé est actuellement mis à l’index, la crise actuelle signale d’autres chaînes de valeur critiques[3].

Réfléchir aux filières économiques stratégiques françaises revient donc à anticiper les évènements extrêmes (mise en place de stress tests intégrant ces événements, modélisation de données de long terme pour éviter les effets d’amnésie, développement d’indicateurs de vulnérabilité.


[1] www.theconversation.com/sauver-des-vies-avec-des-masques-decathlon-le-pouvoir-de-linnovation-frugale-134799).

[2] www.lemonde.fr/idees/article/2020/03/30/claude-le-pen-en-2007-la-france-avait-su-mettre-au-point-un-dispositif-de-protection-tres-ambitieux-contre-des-pandemies_6034911_3232.html.

[3] www.agefi.fr/corporate/actualites/quotidien/20200414/etats-europeens-veulent-garder-main-leurs-297243.

2. Les propositions

L’objectif général serait de reconstruire une économie de production et de l’offre, avec un slogan équivoque : « Reproduire de tout et recréer de la valeur ajoutée industrielle ». Si le french bashing est en voie d’extinction[1], la crise actuelle met le doigt sur une des faiblesses récurrentes de l’économie française : elle ne produit pas assez de biens physiques et les usines sont absentes du paysage. Un confinement de deux mois et un dé-confinement en pointillés mettent en exergue les risques de rupture de chaînes d’approvisionnement. Nos propositions s’appuient sur l’application de la théorie des avantages comparatifs, en ce qu’il conviendra de ré-internaliser nos chaînes d’approvisionnement. Il est ainsi possible de lister un certain nombre de préconisations :


[1] www.plateforme-attractivite.com/wp-content/uploads/2018/10/BUSINESS_FRANCE_LIVRE-BLANC_2018.pdf.

Proposition 1

Renforcer notre filière alimentaire et agro-alimentaire

« Rechaîner » et coordonner les producteurs-agriculteurs, les coopératives, avec les industries agro-alimentaires et les filières de distribution nationale et internationale.

Cette proposition fait en partie écho aux pratiques observées durant la période de confinement : vente directe, consommation locale, passage par les petits producteurs.

Cette proposition renforce trois objectifs : (1) assurer l’indépendance alimentaire, (2) aider la production locale qualitative et (3) assurer un développement de nos filières exportatrices.

Proposition 2

Construire une filière Santé d’excellence innovante

L’ensemble de la chaîne de valeur médicale et sanitaire doit être reconstruite et coordonnée.

Derrière, l’objectif premier de bien soigner la population, il est urgent de produire en France, les médicaments et le matériel médical, d’augmenter le nombre de diplômés en médecine et dans les autres métiers de la santé, et de sanctuariser les moyens mis à disposition des hôpitaux et des cliniques. Cette reconstruction doit aussi s’appuyer sur un effort massif dans la recherche de pointe.

Proposition 3

Construire et coordonner la filière numérique

L’objectif serait de maîtriser ce qu’on pourrait appeler un “capitalisme numérique ou digital[1]

Évoquer le capitalisme numérique ne peut plus se résumer à décrire la puissance des Apple, Google ou Amazon mais plutôt à poursuivre dans la création de nouvelles plates-formes Internet en relation l’offre et la demande. La Frenchtech s’est déjà emparé du sujet mais la période actuelle de confinement a démultiplié l’utilisation de ce type d’outils, dont peu sont issus de l’économie digitale française. Nos propositions vont dans le sens d’une large priorité accordée à l’économie collaborative et numérique notamment via des flux de financements et des dispositifs dédiés : défiscalisation poussée du crowdfunding et de ses formes dérivées, formalisation et reconnaissance du statut de business angel, adossement et partage des expériences des Frenchtech avec les entreprises du CAC 40,… En même temps, pour la France, c’est aussi l’occasion de développer un modèle de « capitalisme numérique bienveillant » : attacher les droits sociaux aux individus plutôt qu’aux salariés, réinvestir la place du capital humain dans ce capitalisme au lieu de penser à le détruire, déployer les technologies dans une optique de réduction des inégalités territoriales (plateformes citizen science)…


[1] www.lemonde.fr/idees/article/2020/04/02/daniel-cohen-la-crise-du-coronavirus-signale-l-acceleration-d-un-nouveau-capitalisme-le-capitalisme-numerique_6035238_3232.html.

Proposition 4

Retrouver notre autonomie sur les télécommunications

Si la France a su se doter d’une filière des télécommunications solide et en voie d’expansion, l’avenir du secteur reste celui du développement de la fibre optique. La crise actuelle fait peser une menace sur cette technologie du fait de sa dépendance de nombreux autres secteurs (travaux publics, énergie, transport)[1].

Mais un autre problème réside dans la dépendance des métaux critiques qui sont par excellence les matières de la high-tech (tantale, indium, cobalt, lithium, tungstène, gallium). Nos propositions sont ainsi les suivantes : garantir un accès aux matières pour conserver les technologies sur le territoire avec le soutien à des projets d’extraction primaire (gisements miniers) et secondaire (recyclage), transformation des métaux que la France sait extraire sur son territoire (zinc notamment).


[1] www.latribune.fr/technos-medias/telecoms/coronavirus-les-telecoms-inquiets-d-un-ralentissement-du-deploiement-de-la-fibre-843609.html.

Proposition 5

Soutenir notre filière Aéronautique/Défense

 La vulnérabilité du secteur de la défense et de l’aéronautique réside dans les mêmes causes, à savoir la dépendance en termes de métaux stratégiques. L’industrie européenne de défense est, selon une étude du JRC de la Commission européenne, dépendante de 39 matières dont 14 intégralement importées et 6 à plus de 80 %. Un tiers de ces volumes provient de Chine, 15 % des États-Unis, 8 % d’Afrique du Sud et d’Australie, 4 % du Chili, 4 % de Russie. Dix-sept figurent sur la liste européenne des matières critiques révisée fin 2017. « Les segments aéronautique et électronique de l’industrie de la défense sont les plus vulnérables à de potentielles interruptions d’approvisionnement en matières », indique le JRC, qui a interrogé Airbus, Astrium, BAE Systems, Rolls-Royce, Safran, Snecma, Thales et le ministère français de la Défense[1].

Nos propositions vont dans le même sens que le point précédent : garantir un accès aux matières pour conserver les technologies sur le territoire avec le soutien à des projets d’extraction primaire (gisements miniers) et secondaire (recyclage), transformation des métaux que la France sait extraire sur son territoire (hafnium ici), accentuer le recyclage des chutes de production.


[1] https://www.usinenouvelle.com/article/alerte-sur-les-metaux-critiques.N711369.

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Le choix des filières économiques stratégiques françaises (Note 6 Etude : Des propositions pour relancer l’économie française)

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