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La résilience des acteurs économiques (extrait étude 1).

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La résilience des acteurs économiques (extrait étude 1).

L’onde de choc qui traverse actuellement l’économie française souligne une fois de plus la fragilité de nos sociétés. Ce que des marins qualifieraient de vague scélérate vient néanmoins toucher aux fondements mêmes de nos modes de fonctionnement et interroge quant à notre capacité à maintenir une activité économique et sociale en dépit de la violence du choc. 

Une telle capacité relève de la résilience économique et sociale, conçue comme une réponse adaptative aux menaces qui pèsent sur nos modèles. Basée sur l’ingéniosité mobilisée pendant un événement ou après un événement, elle permet aux individus, aux organisations et aux sociétés d’éviter certaines pertes potentielles. De telles pertes peuvent évidemment être économiques ou financières, mais elles peuvent également affecter le capital humain.

1. La situation

L’exemple de la perception de la richesse ou encore de la propension à consommer sont symptomatiques de la question de la résilience. Ainsi, la crise de 2008 a vu le seuil de perception de la richesse mensuelle de revenu passer de 6.000 à 5.000 euros en 2 ans et la perception de la richesse patrimoniale diminuer de 1 million à 500 000 euros sur la même période.

Comment réagir et s’adapter à des variations violentes ? Dans un schéma de résilience, les acteurs mobilisent toutes les possibilités pour identifier des solutions (utilisation des technologies, recherches de nouveaux modèles d’organisation, respect ou contournement des règles…). L’adaptation, dans une situation normale, peut se faire en repensant le problème (par exemple le modèle économique) en réponse à des signaux perçus sur le marché. Mais dans une situation de crise, elle peut mobiliser des efforts particuliers et notamment une ingéniosité en raison de la situation (Rose, 2004). Defining and measuring economic resilience to disasters. Disaster Prevention and Management: An International Journal.) En ce sens, la résilience peut être considérée comme un processus évolutif dans lequel les organisations adaptent leurs configurations en réponse aux changements des conditions externes (McCarthy, Collard et Johnson, 2017). A titre d’exemple un système médical peut nécessiter une adaptation complétant les solutions hospitalières traditionnelles par un recours à des hôpitaux de campagne et l’enrôlement de médecins de ville pour faire face à une menace sanitaire.

La résilience peut alors être caractérisée par sa capacité à atténuer les chocs.

Concrètement une économie résiliente serait moins affectée par la période de confinement. Pour cela, elle doit se doter d’automatismes pour corriger et neutraliser les effets du choc. De tels correctifs s’inscrivent dans son “génome” et se retrouvent dans ses modes de fonctionnement et de gouvernance, et dans les technologies qu’elle mobilise[1]. Et la résilience peut également être caractérisée par la vitesse à laquelle la société retourne à la normale après un choc (https://www.cairn.info/revue-economique-de-l-ocde-2008-1-page-211.htm).


[1] www.researchgate.net/profile/Gilles_Paquet/publication/239927825_La_resilience_dans_l’economie/links/ 0046352b232e4df8a4000000/La-resilience-dans-leconomie.pdf

2. Le problème

S’il est difficile aujourd’hui de disposer d’une quelconque lisibilité quant à l’impact de la période de confinement sur les mois et années à venir, il est néanmoins possible de tirer des premières leçons en ayant recours aux approches comparatives. C’est notamment le cas de l’étude de l’Institut Montaigne qui fournit une première idée de l’impact économique en se basant sur l’exemple chinois[1] ou encore de l’étude de Fundwatch qui fait référence à l’épidémie de SRAS en 2003 et souligne que les secteurs les plus sinistrés à l’instar de l’hôtellerie et la restauration se sont redressés en quelques trimestres[2].

Chaque crise étant différente du fait de ses causes et de ses conséquences, il est encore trop tôt pour tirer de ces résultats, des prévisions robustes pour notre avenir. Une telle crise nous aide néanmoins à prendre conscience de la grande dépendance inhérente à la spécialisation de nos économies et à la localisation des activités de production dans les pays à bas coûts, la Chine au premier rang. La situation met également en exergue les limites d’un modèle de compétition à somme nulle qui a vu des territoires s’imposer sur d’autres et qui a ainsi conduit à une désertification socio-économique d’un côté et à une extrême densification d’un autre. Des déséquilibres régionaux et métropolitains très importants procèdent de tels schémas. En outre, la nature immatérielle de bon nombre d’activités économiques et sociales ne nécessite plus forcément une aussi forte concentration dans et autour des grandes métropoles. Ce constat est encore plus prégnant actuellement où le télétravail et d’autres technologies mobilisées montrent la capacité des agents économiques à travailler “loin” des grandes métropoles.

Les dernières années ont aussi vu des secteurs et des entreprises s’imposer sur d’autres qui disparaissaient, délocalisés ou éliminés faute de débouchés. Ce schéma darwinien ne s’inscrit pas dans un mode de développement de long terme et appelle des remises en question et quelques adaptations. Et au niveau de chaque secteur les solutions doivent être envisagées collectivement, les donneurs d’ordre ayant une forme de responsabilité sociale vis à vis de leurs sous-traitants. L’objectif est alors d’être ingénieux pour se développer sans entrer en concurrence directe avec les grands acteurs. Il n’est en effet pas pertinent de poursuivre une concurrence frontale avec des acteurs à bas coût mais plutôt de rechercher des modèles alternatifs et d’adapter nos schémas culturels. 

Dans cette optique, une forme de résilience serait de développer la capacité à créer du lien et à en identifier les moteurs.

La gestion des interdépendances nécessite d’imaginer de nouvelles façon de se coordonner et en premier lieu, de laisser place à une évolution des modèles de gouvernance touchant aux fondements mêmes de nos sociétés (6ème république – vote direct et dématérialisé, …).

Cette résilience doit d’abord être culturelle en ce qu’elle suppose l’avènement d’une culture du rebond. De ce point de vue, la France est mal placée avec une culture de l’échec historiquement désastreuse. Ainsi, la commission européenne montrait-elle que la France était le pays où le délai de rebond entrepreneurial était le plus long (The Economist – 28/07/2012). Ce délai serait d’en moyenne 9 années en France contre une seule au Danemark (Huffington Post – 13/01/2014). Une telle culture se retrouve également dans l’emploi où la durée de chômage serait de 15,5 mois contre contre 5,8 mois aux Etats-Unis[3].

Mais au-delà de ces stigmates culturels, se pose la question des valeurs. Le choc ne touche que celui qui est sensible. Ainsi, celui qui s’imagine que la mort, la faillite ou la crise, est une libération, n’a que faire de la menace et poursuit sa voie. Ce point est fondamental si l’on accepte à la suite de Manciaux et Tomkiewicz que : “résilier c’est se reprendre, aller de l’avant … c’est-à-dire y résister, puis le dépasser pour continuer à vivre le mieux possible. C’est résilier un contrat avec l’adversité”. Cela suppose que la société s’accorde sur ce qui la rassemble, sur ce qu’est l’objectif poursuivi et sur ce qu’est aller de l’avant. Le fait que l’Union Nationale annoncée au départ de l’épidémie soit déjà en partie fissurée n’est à cet effet guère rassurant sur des perspectives communes et partagées au sein de la société.

Il s’ensuit que la résilience doit également être organisationnelle. A l’instar de ce qui se fait dans les entreprises (par exemple la Certification ISO 22301 sur la Continuité d´activité), il convient d’intégrer dans le contrat social les conditions d’une résilience aux chocs exogènes et par là même une agilité sociétale[4].

L’objectif est alors de trouver un modèle de chaîne de valeur qui articule les avantages de l’ouverture socio-culturelle et économique, et la possibilité d’une résilience. Mais pour cela, les sociétés doivent développer des capacités dynamiques permettant de relier au plus vite les signaux faibles aux acteurs économiques de façon à esquiver, amortir et réagir. Ainsi, un article récent montre que les analystes financiers et les investisseurs n’avaient pas anticipé les risques et les conséquences de l’épidémie. Aucune des conférences économiques réunissant dirigeants, analystes et investisseurs n’ont évoqué le covid 19 avant le 22 janvier avec une forte occurrence de la thématique à partir de fin février (Ramelli et Wagner, 04/04/2020).

Ces périodes de choc puis de reconstruction sont aussi des occasions de réorienter les flux de valeurs et d’inscrire de nouveaux schémas dans les habitudes de consommation et de production.

Les schémas relationnels sont repensés, de nouvelles relations se créent en dehors des schémas traditionnels et sont ici encore l’occasion de sortir des routines dysfonctionnelles qui se sont institutionnalisées jusque-là.


[1] www.institutmontaigne.org/blog/covid-19-une-premiere-idee-de-son-impact-economique.

[2] www.fundswatch.fr/bnpam/epidemie-de-covid-19-enseignements-dune-comparaison-avec-le-sras-bnp-paribas-am.

[3] stats.oecd.org/Index.aspx?DataSetCode=AVD_DUR&Lang=fr.

[4] certification.afnor.org/gestion-des-risques-sst/certification-iso-22301-continuite-d-activite.

3. Les propositions

3.1. La résilience culturelle et sociétale

Proposition 1

Responsabiliser les médias si l’ultra-couverture des événements entraîne une inquiétude trop forte. Il est du devoir citoyen des médias de ne pas encourager cette dépendance chez les plus fragiles – donc de limiter le temps de diffusion consacré aux sujets anxiogènes.

Proposition 2

Développer le sens critique des acteurs économiques en contraignant toutes les chaînes émettant sur le territoire, à des programmes culturels aux heures de grande écoute.

Proposition 3

Transformer cette catastrophe sanitaire en un facteur de succès en la concevant comme une occasion de sortir de l’immobilisme et de remettre à plat les routines dysfonctionnelles sur lesquelles fonctionne notre société.

3.2. La résilience économique

Proposition 4

Développer des systèmes de gouvernance facilitateurs de la résilience comme faciliter l’entrée / sortie du capital d’investisseurs, y compris pour les TPE.

Proposition 5

Mettre en place des systèmes de veille en situation de crise pour faciliter l’émergence de solutions réactives et favoriser des formes émergentes de collaboration, notamment à disposition des TPE.

Proposition 6

Favoriser l’intelligence collective via notamment l’émergence de solutions issues du terrain.

Proposition 7

Renforcer la résilience des acteurs économiques par la création de coussins d’amortissements. 

Proposition 8

Renforcer la résilience des comportements de consommation par une politique de relance ciblée et efficace. 

Proposition 9

Limiter l’impact des crises en n’indexant pas les financements en proportion des en-cours (multiplicateur d’impact par le crédit).

Proposition 10

Accélérer le processus de transformation de la réglementation sur la faillite bancaire.

3.3. La résilience territoriale

Proposition 11

Renforcer le pouvoir des régions et les liens entre les régions – Favoriser des solutions de réorganisation en diffusant les bonnes pratiques des autres territoires (labs publics).

Proposition 12

Relocaliser des activités qui sont concentrées dans les villes, déconcentrer les activités économiques avec une politique d’implantation territoriale forte : maison offerte et défiscalisation pour les entreprises qui s’implantent dans les déserts, implantation d’écoles, collèges, lycées… C’est une opportunité pour les villes moyennes dépeuplées et coincées entre plusieurs métropoles et cela va dans le sens d’un aménagement du territoire en faveur des déserts économiques et sociaux.

3.4. La résilience entrepreneuriale

Proposition 13

Favoriser la création d’entreprises en période de confinement en simplifiant les procédures administratives.

Proposition 14

Disposer de procédures d’urgence et d’exercices d’entraînement en cas d’arrêt subit de l’activité (stress tests).

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La résilience des acteurs économiques (Note 7 Etude : Des propositions pour relancer l’économie française)

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