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Les conséquences économiques de la guerre au cœur de l’Europe : du sang et de la pauvreté

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Les conséquences économiques de la guerre au cœur de l’Europe : du sang et de la pauvreté

Mort, désolation et misère économique. Rien n’est pire que la guerre pour l’économie. La guerre, c’est la mort physique, économique et financière d’une société. L’invasion de l’Ukraine par la Russie est un séisme géopolitique dont les conséquences sont incommensurables. Il s’agit de la plus grande crise qu’ait connue l’Europe depuis la seconde guerre mondiale et la folie nazie. Rien ne sera plus comme avant et l’Europe est face à son destin. Liberté, démocratie, prospérité économique : tout est remis sur la table autour d’une partie de poker menteur, dévastatrice et mortifère. Au-delà de la volonté politique du « nouveau tsar » de reconstituer l’empire russe, voire de l’URSS, dont les jeunes générations ne veulent pas, le désastre économique est déjà là. Cette guerre est une catastrophe pour l’Ukraine, pour la Russie, pour l’Europe et l’économie mondiale

Première victime : l’Ukraine.  Deuxième pays d’Europe par la superficie, ce pays d’une population de 45 millions d’habitants était déjà en souffrance depuis l’annexion de la Crimée et la présence russe au Donbass. Pour ne donner que deux chiffres, avant le début de la guerre, le taux d’inflation était déjà de 14% et 25% de la population vivait au dessous du seuil de pauvreté. Pourtant, ce pays possède des terres agricoles fertiles, d’importantes ressources minières, une main d’oeuvre excellemment bien formée et un système éducatif très performant. C’est un grand pays agricole avec plus de 40 millions d’hectares cultivés. Il portait d’ailleurs dans le passé le surnom de « grenier à blé » de l’URSS. Ainsi, l’Ukraine est un des premiers producteurs mondiaux de blé, de maïs, de pommes de terre, de noix et d’oléagineux. Il n’est pas besoin de faire un dessin sur ce que vont devenir ces terres après une guerre dévastatrice qui risque de durer. Les réserves de charbon, de pétrole, de gaz sont très importantes et les ressources en minerais peu connues.  
Le pays est le 6ième producteur mondial de titane, le 7ième de fer et de graphite, et le 8ième de manganèse et d’uranium, d’où le lien avec la présence des centrales nucléaires dans le pays. Toutes ces réserves en minerais constitueraient sans aucun doute une partie du butin de guerre. Compte tenu des bombardements, le coût de reconstruction du pays (bâtiments, infrastructures, réseaux, effondrement de la valeur des actifs financiers, services publics : hôpitaux, écoles, etc…) sera astronomique et s’élèvera à plusieurs centaines ou milliers de milliards en fonction de la durée de guerre.
Deuxième victime : la Russie, mise au banc des nations.  Cette guerre est une catastrophe économique pour le pays qui est déjà dans une situation de chaos quelques jours après seulement le déclenchement de cette folie. Le rouble s’est effondré par rapport au dollar, ce qui traduit une perte totale de confiance en l’économie russe. La Bourse de Moscou est fermée après un effondrement sans précédent de la capitalisation boursière des principales sociétés russes. A titre d’exemple, le cours de bourse de Gazprom a dévissé en cinq jours. Lors du dernier jour de cotation avant la fermeture des marchés financiers, le PER boursier était de 3 alors que le chiffre d’affaires a été au cours de l’année passée de 100 milliards pour un bénéfice de 20 milliards. Alors que le pays possède les réserves énergétiques parmi les plus importantes au monde, ses entreprises ne valent plus rien, leurs actionnaires sont ruinés et l’économie est exangue. C’est une situation de « terre brûlée » terrifiante. Conséquence de la dépréciation du rouble par rapport au dollar et à l’euro, le pays est entré dans une période de forte inflation et l’épargne des russes, des entreprises du pays, des banques nationales et de la banque centrale russe est partie en fumée à hauteur de plusieurs centaines de milliards. Et tout cela en quelques jours.  
En outre, certaines banques russes ont été débranchées du système SWIFT, ne peuvent plus se refinancer et leurs épargnants vident les comptes. La perte de confiance en l’économie russe est totale et c’est la panique. Signe de cette perte de confiance, la banque centrale russe a augmenté son taux directeur de 8% à 20% ce qui est un taux de rémunération hallucinant. Cette situation est catastrophique pour le peuple russe : 40% d’entre eux n’ont pas d’épargne de précaution, le prix des produits importés flambe et compte tenu des taux directeurs, les russes n’ont plus aucune capacité d’emprunt « pour joindre les deux bouts ». Pour clôturer le tout, le pays s’est recroquevillé et ses dirigeants ont fait le choix de l’autarcie. Ainsi, il est maintenant interdit à toute personne résidant en Russie de transférer les devises à l’étranger et les exportateurs russes ont l’obligation de convertir 80% de leurs encaissements en roubles, ce qui renforce la quantité de roubles en circulation et donc leur perte de valeur. C’est la misère qui attend le peuple russe. Comment le dirigeant d’un pays qui a vécu des combats héroïques contre les armées napoléoniennes et hitlériennes et des morts par milliers a pu en arriver là. Le nationalisme malsain et incontrôlé, c’est vraiment la guerre !
Troisième victime : les partenaires économiques de la Russie et de l’Ukraine, qui sont les victimes de cette guerre slave fratricide. La diminution et la désorganisation des livraisons de blé, de gaz et de pétrole vont alimenter l’inflation (augmentation des prix), les banques centrales pourraient être tentées de remonter les taux d’intérêt pour éviter la surchauffe ce qui casserait toute dynamique de croissance : gel des investissements, diminution de la production, augmentation du chômage et troubles sociaux. On ne peut pas exclure, si la guerre durait, une stagflation (stagnation de l’activité couplée à l’inflation), voire une situation d’hyperinflation. De manière concrète, comme l’Ukraine et la Russie sont parmi les premiers producteurs mondiaux de blé, c’est une flambée du prix du pain qui est en jeu. Or, pour ne donner que trois exemples, 50% du blé acheté par la Tunisie, 20% de la celui acquis par l’Egypte et une partie significative de celui importé par le Liban, sont acquis à l’Ukraine. Trois pays en extrême fragilité économique et sociale. Quatrième victime : l’Europe occidentale et centrale. Nous sommes collectivement face à notre destin. Rien ne sera jamais plus comme avant. Nous devons changer et prendre des décisions courageuses, innovantes et révolutionnaires. Sont en jeu : notre liberté, notre démocratie et notre indépendance.Première décision à prendre : nous souder entre européens de l’Union et construire une Europe fédératrice.Deuxième décision : construire une armée européenne afin d’assurer notre défense commune. Saluons l’initiative allemande d’abandonner le pacifisme et de consacrer 100 milliards d’euros à la défense. Le monde des bisounours et des « peace and love » inconscients, c’est fini. La liberté a un prix : une véritable défense et une armée puissante et respectée.Troisième mesure : assurer notre indépendance énergétique en abandonnant progressivement notre dépendance aux énergies fossiles et en accélérant le développement des énergies renouvelables. C’est le moment d’accélérer la transition énergétique et écologique. Le pétrole est quand même la source de nombreux conflits planétaires depuis plus d’un siècle.Quatrième mesure : faciliter la constitution de leaders économiques européens afin de « peser » dans la nouvelle géopolitique économique mondiale.Bien entendu, d’autres décisions de rupture s’imposent.
Pour conclure, une citation de Machiavel : « On fait la guerre quand on veut, on la termine quand on peut ». Prions pour que cette possibilité soit la plus rapide possible.

4 mars 2022
Christian Prat-dit-Hauret
Professeur des Universités et Directeur du Comité Scientifique

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