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L’impact de la guerre en Ukraine sur l’économie de la région Nouvelle Aquitaine : FAITS et PROSPECTIVE

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L’impact de la guerre en Ukraine sur l’économie de la région Nouvelle Aquitaine : FAITS et PROSPECTIVE

La paix est menacée par un ordre économique, social et politiquement injuste, par l’absence de démocratie, par la dégradation de l’environnement et l’absence des droits de l’homme

Muhammad Yunus

L’économie de la région Nouvelle-Aquitaine est et sera impactée par la guerre en Ukraine qui va durer.

Le risque est de subir un cocktail explosif de stagnation de l’activité et d’inflation, sachant que la deuxième nommée est déjà au rendez-vous. Au-delà de l’horreur et de la tragédie humaine, vécues par le peuple ukrainien et qui rappellent les heures les plus sombres du XXième siècle, l’économie européenne, française et néo-aquitaine font fasse à de nouveaux défis.

Sur le plan macro-économique, les économistes de la Banque de France ont identifié trois effets de la guerre en Ukraine sur l’économie française.

Le premier est l’inflation. Le conflit entre les deux pays ainsi que les sanctions économiques imposées à la Russie sont à l’origine de l’augmentation des prix mondiaux de l’énergie et de certaines matières premières. L’indice des prix à la consommation pourrait atteindre entre 3,7% et 4,4% en 2022.
Le deuxième est celui né des tensions et de la volatilité présente sur les marchés financiers. L’incertitude conduira à des  reports de décisions d’investissement et à une baisse de la consommation des ménages.
Le troisième est celui du recul de la demande internationale et donc française. N’oublions pas que nos principaux partenaires commerciaux que sont l’Allemagne, l’Espagne et l’Italie vont être également touchés et qu’il sont à la fois nos clients et nos fournisseurs. Après le choc de l’offre né de la crise Covid, c’est un choc de la demande dont l’amplitude dépendra de la durée de la guerre et de l’évolution des plaques tectoniques géopolitiques.
A un premier niveau d’analyse, les relations économiques de la région Nouvelle-Aquitaine avec la Russie et l’Ukraine sont limitées mais néanmoins réelles comme le révèlent les excellentes études réalisées en Février 2022 par l’Observatoire des échanges internationaux de la CCI Nouvelle Aquitaine. Le solde commercial de la Nouvelle Aquitaine avec la Russie est déficitaire de près de 730 millions d’euros. La Russie est le 19ième client et le 8ième fournisseur de la région. Toujours selon ces différentes études, les exportations des entreprises de la région Nouvelle Aquitaine vers la Russie ont atteint 273 millions d’euros et pour les 2/3 concernent des produits de la culture et de l’élevage, des appareils de mesure, d’essai et de navigation, des produits pharmaceutiques et des boissons. Quant aux importations, elles ont atteint 1 milliard d’euros et concernent principalement les produits pétroliers raffinés et coke pour près de 850 millions d’euros.
En ce qui concerne les relations économiques avec l’Ukraine, elles sont limitées et tournent autour de 100 millions d’euros aussi bien pour les exportations que pour les importations.  Près de 50% des exportations concernent des produits de la culture et de l’élevage et près de 50% des importations sont des produits métallurgiques et de première transformation de l’acier. 
Mais, au-delà des impacts directs non négligeables tels qu’une diminution des ventes de cognac en Russie, de la baisse de fréquentation des touristes russes à Biarritz ou une chute des exportations des porcelainiers limougeauds, le principal impact de la guerre en Ukraine est le retour de l’inflation qui se matérialise par une envolée des prix des énergies fossiles (pétrole, gaz), de minerais tels que le titane et, bien entendu, des céréales. Le cours du Brent de pétrole avoisine les 100 dollars, le prix de la tonne de blé a augmenté de 180% en 9 mois passant de 200 Euros la tonne en juillet 2021 à 370 euros à ce jour. Quant au cours du nickel, il a bondi de 20 000 dollars la tonne en début d’année à plus de 33 000 dollars en ce début de printemps 2022. Ainsi, c’est l’ensemble des acteurs économiques (ménages, entreprises, Etat) qui vont être touchés par cette flambée des prix.
De manière plus micro-économique, les entreprises de la région Nouvelle-Aquitaine vont subir une baisse de leur valeur ajoutée et de leur EBITDA.
1. Premières concernées, les entreprises de transport pour lesquelles le gas-oil pèse lourd dans le compte de résultat.  
2. Deuxièmes concernées, les entreprises industrielles qui ont besoin d’utiliser de l’énergie qu’elles soient du secteur manufacturier ou agro-alimentaire.
3. Troisièmes concernées, celles du secteur de l’agriculture qui sont touchées par une augmentation du prix des aliments (pour les animaux) et des fertilisants. Les agriculteurs français, comme ceux de nombre de pays européens, achètent des céréales russes et ukrainiennes pour nourrir leurs animaux, notamment du maïs, et importent un 1/4 de leurs engrais azotés de Russie.
La question primordiale qui va se poser pour toutes ces entreprises est de savoir si elles pourront répercuter ces hausses sur leurs prix de vente (ce qui aura pour effet d’augmenter les prix à la consommation) ou pas, ce qui, dans ce cas-là, pourrait compromettre leur profitabilité ou, à terme, la pérennité d’une partie d’entre elles.
Si les entreprises sont et seront touchées, des ménages et des particuliers de la région seront particulièrement affectés. L’inflation, attendue à 4% pour 2022, va avoir une conséquence directe : leur appauvrissement et notamment celui des ménages les plus pauvres et des classes moyennes inférieures. Ces deux classes sociales vont supporter une explosion des dépenses contraintes : l’essence pour se déplacer, l’électricité, le gaz et l’alimentation.
A mon avis, une conséquence directe de cette situation va être une forte contraction de la consommation non imposée. Seront probablement touchés les secteurs de l’ameublement, de l’électroménager ou du commerce non alimentaire. De plus, on peut faire l’hypothèse que l’activité touristique soit en baisse en Nouvelle-Aquitaine cet été avec une diminution du nombre de touristes européens (allemands, néerlandais par exemple) et une baisse des réservations des touristes français (hôtels, campings, locations saisonnières) car, pour nombre de familles, les vacances vont devenir un luxe ou bien la durée des séjours fortement raccourcie.
Mais au final, de véritables opportunités s’offrent à la région Nouvelle-Aquitaine pour répondre aux nouveaux besoins nés d’une économie partielle de guerre. 
 
Trois secteurs d’activité pourraient être en croissance significative : 
l’aéronautique et le spatial de défense, les énergies renouvelables et notamment le solaire, la cybersécurité.

Tout d’abord, la filière aéronautique et spatiale possède une tradition de production pour la défense. Selon une étude antérieure de l’INSEE, les commandes militaires représenteraient 14% de la chaîne d’approvisionnement aéronautique et spatiale, et 19% de la dite chaîne travaille en lien avec la défense, principalement dans la maintenance, les équipements embarqués et l’ingénierie. Des entreprises comme Dassault Aviation, Thales ou Safran vont continuer à se développer et pourraient servir de « moteurs » économiques pour toute la filière de la région.

Ensuite, l’invasion de l’Ukraine par la Russie et les guerres du pétrole déstabilisatrices du Moyen-Orient sont l’occasion de revisiter la politique énergétique de la France en accélérant la transition énergétique afin de poursuivre un double but : d’une part, lutter contre les émissions de CO2 et le réchauffement climatique et, d’autre part, réduire de manière drastique notre dépendance aux énergies fossiles.  L’avenir est aux énergies renouvelables : l’énergie solaire, celle liée à la mer, l’éolien et la géothermie. La région Nouvelle-Aquitaine a la chance de posséder des entreprises phares dans ces domaines et qui pourraient servir de leaders.

Enfin, dernier secteur à développer : la cybersécurité. Sont présents dans la région des centres de recherche de pointe et des ingénieurs de haut niveau qui pourraient servir de portes-étendards pour construire une « Cyber Valley » néo aquitaine.

10 avril 2022
Christian Prat-dit-Hauret
Professeur des Universités et Directeur du Comité Scientifique

ukraine et nouvelle aquitaine

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