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Institut Sofos Experts-Comptables

PASS FORMATION : Faut-il un permis pour entreprendre ?

De

Lucas Sarlange
Président
de l’Institut Sofos
Christian Prat Dit Hauret,
Professeur des Universités IAE Bordeaux
Directeur scientifique de l’Institut SOFOS  
Vincent Maymo
Professeur des Universités,
Membre du comité scientifique
Jean-Etienne Palard
Maitre de Conférences,
Membre du comité scientifique

INTRODUCTION

« Une société prospère a besoin d’entreprises performantes, et une entreprise performante a besoin d’une société prospère ». Ces mots de Michael Porter prennent un sens tout particulier à l’heure où l’on s’interroge sur la compétitivité des entreprises françaises et les compétences entrepreneuriales au sein de notre tissu économique. Le sujet des compétences trouve ici un sens particulier quand on connaît les singularités culturelles de l’Hexagone qui s’était déjà démarquée il y a une décennie par sa faible maîtrise des sujets économiques. Rappelons ici que la France est classée parmi les pays les plus réticents à la prise de risque, selon l’échelle du chercheur néerlandais Geert Hofstede, spécialiste en psychologie sociale. De nombreux témoins interrogés dans le cadre de cette étude convergent pour souligner les limites d’un entrepreneuriat affranchi dans une société dominée par le salariat. Devrait-on favoriser la liberté d’entreprendre sans se soucier des intérêts du porteur de projet et des parties prenantes de l’entreprise ? Est-il raisonnable de penser qu’un entrepreneur doté d’une idée brillante saura nécessairement transformer son intention en succès ? Un artisan peut être le meilleur technicien dans son domaine, mais sans accès aux ressources et compétences essentielles pour la réussite de son projet, son idée restera un rêve lointain, et son projet se terminera inévitablement par un échec. Ce rapport vise avant tout à éclairer un besoin fondamental de notre société : renforcer l’élan entrepreneurial nécessaire aux transitions qu’elle traverse.

Une rapide comparaison entre la France et les États-Unis sur le site Hofstede-insights.com souligne les limites de notre prédisposition à l’entrepreneuriat : une faible indulgence, une très forte allergie à l’incertitude, une faible motivation au succès, une forte distance hiérarchique et un fort individualisme (cf. figure 1). Les écarts entre la France et les États-Unis semblent particulièrement importants en ce qui concerne l’attitude face à l’évitement du risque et la motivation orientée vers la réussite et le succès.

Figure 1 – Échelle d’attitude face au risque et à l’esprit d’entreprendre – Comparaison France / États-Unis

Source : www.hofstede-insights.com/country-comparison-tool? Countries=france%2Cunited+states

Ces fondements de la culture française privent d’emblée bon nombre de candidats à l’entrepreneuriat, souvent pour un problème de motivation, d’aller jusqu’au bout de leur projet. Mais au-delà, ces données nous invitent à reconsidérer la façon dont nous soutenons l’entrepreneuriat « Made in  France ». Plus que de nombreux pays, nous avons besoin, comme nous y invitait Olivia Grégoire, ex-ministre déléguée en charge des PME et du tourisme – lors de la préparation du projet de loi PACTE, « à changer le logiciel » des français et le rapport à l’échec. On le comprend, la prise de risque, la volonté d’aller au bout ou l’indulgence sont autant d’attitudes gravées dans la culture française que seul un travail de long terme permettra d’enrayer. Il s’en suit logiquement qu’une proportion non négligeable d’entrepreneurs rencontre des difficultés pour mener à bien les projets entrepreneuriaux, convaincre les parties prenantes ou rebondir en cas de difficultés. Et pourtant la France propose de nombreuses solutions pour accompagner les entreprises et leurs dirigeants.

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Description générée automatiquementRappelons ici quelques chiffre-clés concernant la formation professionnelle. Le marché français de la formation professionnelle comptait près de 78 600 organismes de formation (OF) en 2021 selon les chiffres de la Cours des Comptes[1] (Rapport 2023) pour un chiffre d’affaires de 23,5 Md€. Et la singularité de la France se perçoit encore dans le rapport à l’autonomie dont chacun fait preuve pour prendre en charge le développement de son propre capital humain. La France est l’un des pays où les formations professionnelles sont les plus soutenues sur le plan financier. Et pourtant, seulement un tiers des actifs français ont suivi une formation professionnelle selon l’OCDE alors que l’objectif de l’UE est de 60% d’ici 2030. Force est de constater que nous nous trouvons encore très éloignés de cet objectif. Parallèlement, à ce constat, les entrepreneurs font face à un déficit important en matière de qualification et de formation à la fois sur le plan technique mais plus encore d’un point de vue managérial sur l’ensemble des composantes de la gestion d’entreprise (RH et recrutement, gestion financière et fiscale, marketing, achat et approvisionnement, commerce et export, organisation du capital, gouvernance, …). De telles lacunes sont particulièrement présentes chez les entrepreneurs autodidactes mais pas seulement et peuvent avoir des conséquences sur la capacité à mettre en œuvre les actes de gestion nécessaires. En particulier, et c’est la face visible de l’iceberg, on assiste à une explosion des défaillances d’entreprises au cours de l’année 2024. Au cours des six premiers mois de l’année, selon les données publiées par les administrateurs et les mandataires judiciaires, le nombre global de défauts a bondi de 18 % par rapport à la même période de 2023 ce qui représente 33 493 liquidations judiciaires en 2024 contre 28 373 en 2023 (cf. figure 2). Près de 102.500 emplois se retrouvent menacés dans l’Hexagone à fin juin 2024[2].


[1] https://www.ccomptes.fr/fr/publications/la-formation-professionnelle-des-salaries

[2] https://www.lesechos.fr/economie-france/conjoncture/la-france-confrontee-a-une-forte-poussee-des-defaillances -dentreprises-2105683

Figure 2 – Évolution des défaillances en France au cours du semestre (2018-2024)

Source : Les Echos, daté du 3 juillet 2024.

Ce rapport consacré à la formation des dirigeants de PME et TPE poursuit plusieurs objectifs. Il s’agit d’abord d’établir un état des lieux des dispositifs existants dédiés à l’accompagnement des entrepreneurs et créateurs d’entreprise. Cette mise en perspective permet de mieux comprendre la complexité et les enjeux liés à la formation et à l’accompagnement des entrepreneurs. Ce rapport vise également à définir la manière d’optimiser l’accompagnement des entrepreneurs dans des conditions qui les rassurent et leur fournissent les compétences et comportements qu’ils n’ont pas pu acquérir au cours de leur parcours. Cela permettra ainsi de renforcer la pérennité de notre tissu entrepreneurial, dynamique mais également éminemment fragile. L’objectif est ici de prendre en compte l’écosystème entrepreneurial pour saisir la réalité des problématiques des compétences des entrepreneurs. De ce point de vue, on pourra se demander comment améliorer la formation managériale des créateurs, des repreneurs et plus généralement des dirigeants de TPE et PME en France ? Quelles sont les principales faiblesses au niveau de leur qualification ? Si, de toute évidence, l’entrepreneuriat s’acquiert par l’expérience et se transmet par socialisation, il n’en demeure pas moins que les savoirs mobilisés nécessitent également des formations, du coaching, des témoignages, des essais, réussis et des erreurs. Autrement dit, la liberté entrepreneuriale ne peut s’abstraire d’un principe pragmatique qui questionne : faut-il un permis pour entreprendre ? Si oui, comment envisager la mise en place d’un parcours et d’un pass formation pour les entrepreneurs ? En conclusion de ce rapport, nous formulons un certain nombre de recommandations visant à renforcer la culture managériale en France des dirigeants de TPE / PME.

PLAN PROPOSÉ :  
I- Diagnostic de l’offre de formation destinée aux dirigeants de TPE / PME
II- Un besoin de formation des entrepreneurs qui nécessite un renouvellement de l’offre
III- Le Pass Formation : pour la création d’un véritable permis d’entreprendre
IV- Quelles solutions innovantes pour financer la formation des entrepreneurs ?  

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