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LA FACTURE ÉLECTRONIQUE : l’avenir radieux des professionnels comptables au cœur de l’économie

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LA FACTURE ÉLECTRONIQUE : l’avenir radieux des professionnels comptables au cœur de l’économie

La facture électronique est née pour permettre de normaliser des flux économiques servant de base à l’établissement des comptes annuels des entreprises. Elle est l’aboutissement de la réglementation comptable française permettant de répondre à des exigences fiscales, et notamment de lutter contre la fraude à la TVA. Une fois normalisés la source d’information (facture électronique) et les documents comptables établis (bilan, compte de résultat et annexes), la base fiscale servant au calcul de l’impôt sera d’autant plus sécurisée pour l’administration fiscale.  Certains y voient déjà une nouvelle contrainte fiscale, alors que la facture électronique pourrait servir au développement des entreprises, et plus largement, à l’économie nationale. 

Un peu d’histoire

Au commencement, la comptabilité a été créée pour répondre à un besoin d’informations.
La pratique de la comptabilité est née bien avant la loi du 3 avril 1942 qui a institué l’Ordre des Experts-Comptables. L’origine de la comptabilité a été décelée en Mésopotamie (Moyen Orient d’aujourd’hui) et plus particulièrement en Égypte, 3000 ans avant notre ère. Afin de normaliser les échanges entre les commerçants éloignés, il a été nécessaire de figer les conditions de vente, et notamment les prix et les quantités. La comptabilité a accompagné l’écriture en ce sens qu’elle a été l’une des motivations premières à la formalisation des conditions d’échange entre les commerçants. C’est à cette époque que la comptabilité en partie simple s’est développée.

Quelques millénaires plus tard, la Rome antique a édifié les prémices d’une organisation comptable en rendant obligatoire la tenue de 3 livres :

  • le codex accepti et expensi (le journal des recettes et des dépenses),
  • les adversaria et ephemeris (le brouillard comptable),
  • et le codex rationum (regroupant à la fois le journal et le grand livre).

De la comptabilité égyptienne aux procédures comptables développées par les romains, il est indéniable que l’information économique générée par la comptabilité a revêtu une importance significative dans le développement de ces deux grandes nations.

Ce n’est par la suite, qu’au moment du Moyen Age, que la comptabilité a évolué. A cette époque, on attribua à Luca Pacioli d’avoir « inventé » la comptabilité. Très humble, il expliqua lui-même n’avoir fait que proposer une standardisation des pratiques existantes de l’époque. Son ouvrage intitulé « traité des comptes et des écritures » publié en 1494 nous éclaire sur sa réflexion. Il observa que les marchands qui développèrent leur commerce le plus rapidement étaient ceux qui savaient à qui ils devaient de l’argent et qui leur en devait. Comme Luca Pacioli le souligna dans son chapitre premier : « là où il n’y a pas d’ordre, tout est confusion ». On peut observer que les termes utilisés et la méthodologie qu’il décrit se rapprochent de ce que les Romains ont développé 2 000 ans auparavant… et qui sont toujours utilisés actuellement. La comptabilité en partie double a ainsi été recommandée, plus qu’inventée, depuis la publication du traité de Luca Pacioli. Elle est consécutive à la volonté d’identifier les échanges de manière plus précise, à mieux gérer l’activité, et in fine, à développer la croissance des entreprises, et donc l’économie d’une nation. Ne perdons pas l’idée que la comptabilité a été développée historiquement pour les commerçants et uniquement pour eux. C’est d’ailleurs pour les protéger, que l’ordonnance de Colbert en 1673 a rendu obligatoire l’utilisation des livres commerciaux ; cela afin que la comptabilité puisse servir de preuve en cas de litige. 

Il faut attendre le début du XXème siècle et la 1ère guerre mondiale pour que la comptabilité serve l’intérêt collectif en permettant de produire une information financière permettant de calculer le nouvel impôt sur le revenu institué dès 1916.  Et ce n’est qu’à l’aube de la 2ème guerre mondiale que la normalisation de la comptabilité a vu le jour. En 1937, inspiré par notre voisin allemand, la France mena des réflexions et celles-ci aboutirent à la création de l’Ordre des Experts-Comptables par la loi du 3 avril 1942 et la rédaction de l’ordonnance du 19 septembre 1945. Pour beaucoup de contribuables, la comptabilité devient à tort une obligation légale qui n’apportait rien, si ce n’est de transmettre des informations à l’administration fiscale pour qu’elle puisse calculer et prélever l’impôt. De là est née cette idée répandue, qui a dénaturé l’intérêt que revêt la comptabilité pour les commerçants, c’est-à-dire une formidable source d’informations pour optimiser la gestion et la rentabilité de son commerce, comme c’était le cas dans l’antiquité.

Et cela pour plusieurs raisons.

1- La maîtrise du temps

Les échanges (les flux) commerciaux intéressent depuis longtemps les nations qui se développent ou qui souhaitent se développer. Les outils modernes ont remplacé les scribes par des programmes informatisés ; programmes informatisés qui ont eux-mêmes permis d’automatiser la production comptable. Et la production automatisée de l’information comptable a permis de gagner du temps. Imaginez-vous le temps que prenait la transcription d’une transaction sur une tablette d’argile par un scribe et celui d’une facture « digérée » aujourd’hui par un automate. Entre l’art ancestral de la retranscription des flux sur des tablettes d’argile et la gestion de la digitalisation de l’information, il n’y a que quelques millénaires…

Depuis toujours, c’est bien après le temps que les Hommes courent. Et sans surprise, ils courent aussi après l’information économique de leur commerce. De nos jours, le temps de production des comptes annuels n’est plus du tout en adéquation avec les besoins d’immédiateté des entreprises et des commerçants, et donc de l’économie.

Il faut se l’avouer, les chefs d’entreprise courent après leurs experts-comptables. Et ce n’est pas une surprise car la temporalité n’est pas la même pour les deux acteurs de l’économie. L’un travaille dans le traitement d’informations passées de ses clients, et l’autre dans le développement présent et futur de leur commerce. Chacun court après l’autre. C’est sur ce constat que la facture électronique pourrait permettre d’atténuer la dichotomie temporelle qui existe entre le besoin et l’offre d’information économique. En théorie, les experts-comptables pourraient ainsi rattraper le temps (en n’en perdant moins dans la récupération des pièces comptables et leur traitement) pour se rapprocher des besoins de leurs clients, en produisant des informations immédiates (ou quasi-immédiates). L’horloge des uns serait ainsi réglée à la même heure que les autres. 
Et la facture électronique pourrait permettre bien plus : faire prendre un peu d’avance aux experts-comptables par rapport à leurs clients. Car la facture électronique peut permettre de gérer les dates d’échéance de règlement. Il sera donc possible pour les experts-comptables d’anticiper plus facilement la trésorerie et d’informer leurs clients suffisamment tôt si des difficultés de trésorerie à court terme étaient détectées. Les experts-comptables pourraient ainsi permettre à leurs clients de voyager dans le futur. On parle tout juste de comptabilité prédictive pour le moment.

« Un comptable compétent annonce la veille
ce que les économistes prévoient le jour même pour le lendemain » 
 

Miles Thomas

2- Devenir l’acteur au cœur de l’économie

L’expert-comptable est bien souvent parodié. Il suffit d’une pièce sombre, d’un bureau illuminé d’une lumière tamisée et d’une calculatrice pour imager l’expert-comptable dans l’esprit des Hommes. Et il est difficile de corriger cette image.

D’autant qu’elle cristallise une problématique majeure pour les experts-comptables : se faire comprendre. Et ce n’est pas en restant un professionnel muet emprisonné dans son bureau que son image changera. Pour que l’expert-comptable sorte de son bureau, il faut qu’il ait de quoi raconter une histoire. Et l’expert-comptable doit nécessairement utiliser un langage adapté pour que l’histoire qu’il raconte soit comprise.

Échanger avec un client sur le traitement des réintégrations et déductions fiscales n’est pas commode, mais ne l’est pas non plus l’échange avec un contrôleur fiscal ou le planning et le management des équipes avec un dirigeant. Cet exemple montre bien que l’expert-comptable est plurilinguiste et qu’il doit adapter son langage en fonction de son interlocuteur.

Ainsi,

L’expert-comptable serait moins considéré comme une charge mais comme un centre de profit au service des commerçants. 
La facture électronique pourrait permettre au « petit commerce » de profiter d’une information réservée aujourd’hui aux grandes entreprises. Les champs des factures, qui seront canalisés par la facture électronique, méritent qu’on s’y attarde. Pourquoi ne pas envisager de capter également ligne à ligne les prix unitaires et les quantités présentes sur les factures ? Faisons d’une contrainte une opportunité. Si les experts-comptables pouvaient avoir cette information, ils pourraient développer un accompagnement plus pertinent pour les commerçants, non plus seulement orienté vers la fiscalité. Aussi, l’analyse du coût de revient, le conseil sur l’approvisionnement des quantités et sur la négociation des prix d’achat, la gestion des stocks, seraient quelques-unes des prestations ouvertes aux experts-comptables pour accompagner plus étroitement leurs clients dans leur recherche de profitabilité. Les commerçants attendent beaucoup de leur expert-comptable pour leur montrer le chemin à suivre. Et qui d’autres pourraient devenir cet acteur au cœur de l’économie ? 

3- Faire évoluer les processus de comptabilisation

« Une vie sans ordre est une vie en désordre »  Le recueil de proverbes et axiomes (1876)
L’Histoire a démontré que la comptabilité a été développée pour les commerçants. De la comptabilité en partie simple dans l’antiquité, puis en partie double au moyen âge, il serait judicieux de faire évoluer les normes comptables pour que la comptabilité générale puisse muter en partie triple, et ainsi faire le lien avec la comptabilité de gestion. Les outils sont créés, il faudrait maintenant les paramétrer. Avec la facture électronique, il est envisageable de développer une comptabilité en partie triple pour tous, y compris pour les petits commerces. Factuellement, la comptabilité serait constituée d’une colonne pour la provenance et la destination, une deuxième pour le prix unitaire et une troisième pour les quantités. Cela a l’air d’aller dans le sens de l’Histoire. La comptabilité redeviendrait ainsi au service des commerçants avant tout. Pour cela, il faudrait nécessairement que la normalisation des flux engendre également une normalisation de leur traitement. En d’autres termes, que l’acteur dépositaire de la gestion des flux soit un acteur de confiance. Les experts-comptables auraient tout à gagner si la prérogative d’exercice liée à la saisie comptable était remplacée par une prérogative de gestion des flux issus de la facture électronique. L’administration fiscale, les experts-comptables et leurs clients auraient tout intérêt à ce que cela soit le cas. L’administration fiscale, pour sécuriser le traitement des flux, les experts-comptables pour être plus légitimes qu’ils le sont aujourd’hui à gérer et traiter les informations financières, et les clients pour que leurs informations confidentielles ne tombent pas entre les mains de protagonistes peu scrupuleux. 
En conséquence, il faudrait que l’ensemble des parties prenantes du monde du chiffre travaillent conjointement afin d’œuvrer à ce que la facture électronique soit traitée par un seul et même professionnel. Les experts-comptables deviendraient dépositaires de la gestion des flux de la facture électronique. Il ne reste donc plus qu’aux experts-comptables à être adoubés pour gérer l’exhaustivité des flux des factures électroniques et à faire en sorte que la plateforme « jefacture.com » soit incontournable (avec Chorus pro).

4- Les experts-comptables et leurs collaborateurs plus que jamais au cœur de la cité économique

De tout ce qui a pu être développé, il faut en retirer une pensée simple : 
L’expert-comptable n’est pas à l’endroit où tout le monde voudrait qu’il soit. 


C’est ici que le problème réside et c’est un problème de positionnement et non de compétences. Les travaux d’un expert-comptable demeurent bien souvent comptables alors qu’il faudrait qu’ils soient beaucoup plus orientés vers le conseil. Le 77e Congrès de l’Ordre des Experts-Comptables en 2022, intitulé « L’expert-comptable au cœur de la société » s’est inscrit dans cet objectif. Les clients des cabinets ne connaissent pas l’étendue des travaux que leur expert-comptable peut réaliser pour eux. Et cela apparaît tout-à-fait normal lorsque l’on se rappelle que le marché de l’expertise comptable était avant tout un marché de l’offre jusqu’au début du XXème siècle. Aucune obligation avant cette époque de faire appel à un expert-comptable. Tout a basculé lorsque le marché s’est inversé en marché de la demande, perfusé par les nouvelles obligations fiscales de l’époque. Les commerçants se sont ainsi rapprochés d’experts-comptables par obligation, et les experts-comptables sont ainsi restés sur leurs acquis. Mais les choses semblent aujourd’hui s’inverser ou s’équilibrer. Grâce à la facture électronique, les experts-comptables ont la possibilité de continuer à être l’intermédiaire entre l’administration fiscale et leurs clients mais, en plus, d’utiliser les informations disponibles pour conseiller plus précisément les clients. Il faudrait de nos jours « banaliser » le service aux clients plutôt que la liasse fiscale. 

La facture électronique est donc une formidable opportunité pour «encastrer » les experts-comptables au cœur de la cité économique. Elle est un moyen de positionner ces derniers au cœur d’un double axe stratégique et naturel : d’une part, continuer à aider l’Etat à sécuriser la collecte de l’impôt et d’autre part, conseiller les chefs d’entreprise à piloter plus que jamais leur performance en les conseillant sur leur gestion. Et c’est dans ce cadre-là que des actions intenses de communication mériteraient d’être menées auprès des dirigeants de TPE et de PME afin qu’ils s’approprient la facturation électronique comme une nouvelle re-évolution de l’utilité stratégique de l’information chiffrée.

L’enjeu majeur de la facture électronique est donc de rassembler les experts-comptables, leurs collaborateurs, les entreprises et l’administration fiscale vers l’atteinte d’un objectif de profitabilité et donc de développement économique. 
L’idée de l’expert-comptable connecté (en version « Geek ») sera peut-être déplaisante pour son image. Mais imaginer qu’il soit capable de capter l’exhaustivité des champs des factures et qu’il puisse être au cœur du système d’informations n’a jamais été aussi galvanisant. Il s’agit d’une formidable opportunité pour les experts-comptables de se positionner au cœur du système d’informations, pour renforcer la santé financière des entreprises, et pourquoi pas redynamiser une économie française fragilisée. 
Nous sommes à l’aube d’une mutation technologique qui imprimera le rythme des mutations des cabinets d’expertise comptable. Et se pose déjà la question des prestations des experts-comptables dans le métavers… 
Comme Saint Exupéry le disait par l’intermédiaire de son Petit prince :

« Les hommes ont oublié cette vérité, dit le renard. Mais tu ne dois pas oublier. Tu deviens responsable pour toujours de ce que tu as apprivoisé… »

Sylvain Guillois
Expert-comptable

Christian Prat-dit-Hauret
Professeur des Universités et Directeur du Comité Scientifique

10 février 2023

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Les conséquences économiques de la guerre au coeur de l’europe : du sang et de la pauvreté

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